
Vincent You, adjoint à la mairie
d'Angoulême, accueille le public et
souligne la nécessité d'une telle
manifetation
Je vous accueille de la part du Maire d’Angoulême qui me fait vous porter un message : la laïcité est une règle inclusive qui consiste à respecter tous les croyants, comme ceux qui ne croient pas. C’est un espace commun qui nous permet de construire un pacte de paix civile. Ce n’est pas une arme contre l’un ou l’autre, c’est une démarche pour rassembler.
Dans ce cadre, vous qui êtes présents pour cette soirée d’ouverture, vous êtes donc tous les bienvenus dans la maison commune.
Je dois vous avouer que le nom de votre association « Déambulations mystiques » n’a pas manqué de provoquer des interrogations à la mairie… : de qui s’agit-il ? À quoi ressemblent ces gens ? Comment déambulent-ils ? Heureusement, vous avez eu la sagesse d’ajouter un titre plus éclairant « Mystique et liberté ». Si le mot mystique peut emmener avec lui des idées négatives (on peut vite passer de mystique à irrationnel donc obscurantiste et sectaire), l’associer au mot liberté était un bon moyen de faire passer un message. Un mystique est libre par son détachement, par sa profondeur qui l’éloigne des modes, par le primat d’une démarche spirituelle et d’une liberté de conscience qui caractérisent ceux qui ont une vie intérieure.
En pensant à la mystique, je retrouve ce souvenir très personnel d’une émotion adolescente en lisant le Mémorial de Pascal. Ce texte flamboyant où il raconte son expérience si singulière de l’amour de Dieu par ses mots : « Joie, joie , joie, pleurs de joie ».
C’est une bonne clé pour ouvrir vos rencontres. Votre recherche et vos réflexions consistent à remettre les pleurs dans le domaine de la joie !
Dans une époque où les pleurs et les peurs surabondent ; il suffit de penser à la crise que nous traversons, au chômage, aux violences diverses et aux tensions nombreuses qui nous assaillent ; votre recherche consiste à trouver ce qui donne un feu d’une autre nature. Pas le feu que l’on jette et qui détruit, pas le feu qui explose et qui tue. Mais la flamme intérieure qui rend libre, qui rend léger et qui change le regard sur chaque chose et sur chacun.
Vos rencontres interreligieuses autant que cultuelles, sont particulièrement nécessaires aujourd’hui. Je salue les membres des diverses confessions réunies ce soir, comme ceux qui doutent et ceux qui savent qu’ils ne croient pas. Votre point commun est essentiel car il consiste à redonner à l’humain une hauteur qui dépasse nos pesanteurs.
Dans ces temps de téléréalité, d’informations en continue et de multiplication des écrans, vous allez parler de silence, de mise à distance, de déambulations et de méditation.
En ces temps où Facebook nous fait croire que nous avons tous des milliers d’amis, alors que nos sociétés ne font que fabriquer plus de solitaires, vous allez parler de rencontres, de LA rencontre, et d’intimité.
C’est une très heureuse tâche que de faire renaître ses dimensions si profondément humaines pendant vos quatre jours de rencontres. Je voudrais vous donner aussi une autre mission. Il s’agit de faire mentir Charles Péguy. C’est lui qui disait cette phrase cristalline : « Tout commence en mystique… et finit en politique ». Vous comprendrez que je ne puisse, comme élu local, que m’insurger contre cette opposition entre :
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d’un côté : l’élan créateur, le jaillissement, la pureté, tout cela associé à la mystique,
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et de l’autre : l’enlisement, le terre à terre morbide, et les pires compromissions qui caractériseraient la politique...
J’en comprends pourtant le sens.
Nous avons tous une responsabilité, celle de voir que la grandeur de l’homme ne se résume pas à la colère de l’électeur mécontent : celui qui ne parle que de son trottoir, de ses impôts et de ses petits intérêts. Celui qui perd sa vie à essayer de la gagner, comme ceux qui sont possédés par leurs possessions. Vous qui passez quatre jours à parler de silence, de liberté et de dépossession, prenez plus souvent le temps de parler à vos élus pour leur rappeler que l’âme humaine existe (vous l’avez rencontrée, comme dirait Frossard) et que même les politiques doivent s’en souvenir parfois… c’est ainsi que nous ferons mentir Péguy !
Je vous souhaite quatre jours de joie, de paix intérieure et de liberté.
Vincent YOU
